Arthur Schopenhauer

1788-1860

« Le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur propre intérieur, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses qualités repoussantes et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau.» - Parerga et Paralipomena (parabole des porcs-épics), Arthur Schopenhauer

Arthur Schopenhauer - Students For Liberty France
Arthur Schopenhauer (1788-1860)

Schopenhauer sur l’Individu et la Communauté

Selon Arthur Schopenhauer (1788-1860), philosophe allemand connu pour son pessimisme radical, les relations entre les individus et les communautés sont profondément marquées par le conflit entre le besoin d’autrui et la difficulté de supporter sa présence. Cette tension trouve son illustration dans sa célèbre parabole des porcs-épics, tirée de son ouvrage Parerga et Paralipomena (1851).

Dans cette parabole, Schopenhauer décrit un groupe de porcs-épics qui, par une froide journée d’hiver, cherchent à se rapprocher pour se réchauffer. Cependant, en s’approchant trop près, ils se piquent mutuellement avec leurs épines et doivent s’éloigner. Ils oscillent ainsi entre deux états : le rapprochement nécessaire pour survivre au froid, et l’éloignement nécessaire pour éviter la douleur. Cette image illustre la nature ambivalente des relations humaines : les individus ressentent le besoin de vivre ensemble pour satisfaire leurs besoins émotionnels et sociaux, mais cette proximité engendre inévitablement des conflits, des frustrations et des blessures.

Pour Schopenhauer, cette dynamique découle de la volonté de vivre, une force aveugle et irrationnelle qu’il identifie comme le moteur de toute existence. La volonté de vivre pousse les êtres humains à chercher à satisfaire leurs désirs, mais ces désirs sont illimités et souvent incompatibles avec ceux des autres. Ainsi, la coexistence humaine est marquée par une lutte perpétuelle, où le bonheur absolu est inaccessible. La souffrance est une composante inévitable de l’existence, à la fois dans l’isolement et dans la vie collective.

Face à cette condition, Schopenhauer propose une attitude de distance mesurée. Comme les porcs-épics, les individus doivent trouver une juste distance entre eux pour minimiser la souffrance tout en maintenant une certaine solidarité. Il préconise également une forme de compassion (Mitleid) comme moyen de surmonter, en partie, les conflits inhérents aux relations humaines. La compassion, selon lui, est le seul fondement éthique valable, car elle permet de reconnaître la souffrance universelle et d’adopter une attitude de bienveillance envers autrui.

Par ailleurs, Schopenhauer invite à une forme de retrait contemplatif du monde. En réduisant ses désirs, en cultivant l’art, la philosophie et l’ascétisme, l’individu peut trouver un apaisement relatif et s’éloigner des tourments liés aux relations humaines et aux aspirations égoïstes. 

En résumé, Schopenhauer voit les relations humaines comme un équilibre précaire entre besoin et conflit, illustré par la parabole des porcs-épics. Les individus oscillent entre rapprochement et distance, cherchant à minimiser la souffrance inévitable de l’existence. La compassion et une certaine forme de détachement constituent, selon lui, les moyens de rendre ces interactions moins douloureuses et d’accéder à un apaisement limité dans un monde dominé par la volonté et la souffrance.